NDLR: Ceci est un article de Marc Scott, professeur d’informatique en collège et lycée au Royaume-Uni. Son article “Kids can’t use computers… And this is why it should worry you” est traduit en français par Nicolas Le Gland.
Trop long à lire ?1 Et pourquoi vous n’iriez pas plutôt regarder une autre vidéo de chaton avec sa tête dans un rouleau de papier toilette, ou la description en 140 caractères du repas qu’un ami vient de se fourrer dans la bouche. « miam miam ». Cet article n’est pas pour vous.
Le mythe
Le téléphone a sonné dans mon atelier. C’était l’un des réceptionnistes de l’école, pour m’expliquer qu’il y avait à l’étage en dessous un visiteur qui avait besoin de se connecter au réseau Wi-Fi de l’école. iPad en main je trotte jusqu’à la réception, où je trouve une jeune femme d’une vingtaine d’années, assise sur une chaise avec un MacBook sur les genoux.
J’ai souri et je me suis présenté en m’asseyant à côté d’elle. Elle me tendit son MacBook en silence, mais son regard voulait tout dire. Répare mon ordinateur, le geek, et dépêche-toi. On me prend pour un technicien assez souvent pour que je sache reconnaitre l’expression.
« Je vais devoir faire vite. J’ai un cours à donner dans 5 minutes, lui dis-je.
— Vous enseignez ?
— C’est mon métier, oui. Il se trouve simplement que je supervise aussi l’équipe réseau. »
Elle a immédiatement réévalué ma classification. Plutôt que d’être un petit singe du réseau, associal et tapoteur de clavier, anonyme et sexuellement inadapté, maintenant elle me considérait comme un collègue. Pour les gens comme elle, les techniciens sont un mal nécessaire. Elle serait assez heureuse de tous les ignorer, de faire des blagues derrière leur dos ou de leur ricaner au visage, mais elle sait que quand elle aura besoin d’afficher son PowerPoint sur le projecteur2, elle aura besoin d’un technicien, et elle maintient donc une façade de politesse autour d’eux, tout en les rejetant à l’intérieur comme trop geek pour interagir avec.
J’ai regardé le MacBook. Je n’avais aucune expérience avec OS X à l’époque. Ceci-dit, Jobs n’était pas complètement idiot, et le symbole universellement reconnaissable du Wi-Fi s’affichait fièrement dans le coin supérieur droit de l’écran. Il ne me fallu que quelques secondes pour connecter l’appareil au réseau.
J’ai alors rendu le MacBook à la femme qui a lancé Safari. « L’Internet ne marche pas. » a-t-elle déclaré avec dédain.
J’ai entendu cette phrase tellement de fois, que ce soit par des élèves ou des enseignants, que j’ai une réaction toute prête. Normalement, je sors mon téléphone portable et je fais semblant de taper quelques chiffres. Le combiné à l’oreille, je dis : « Oui, passez-moi le bureau du président des États-Unis… Non, je ne peux pas patienter, c’est une urgence… Allo, Monsieur le Président, j’ai bien peur d’avoir de mauvaises nouvelles. Je viens d’être informé que l’Internet ne marche pas. »
Je me suis dit que la jeune femme n’apprécierait probablement pas le sarcasme, et je lui ai pris le MacBook pour y ajouter les paramètres du serveur proxy du campus. Je n’avais aucune idée de comment le faire sur OS X. Le proxy est là pour s’assurer que ni les professeurs ni les élèves ne puissent accéder à de la pornographie sur le réseau de l’école. Il filtre également la violence, l’extrémisme, les insultes, les réseaux sociaux, l’alcool, le tabagisme, le piratage, les jeux et les flux vidéo3. Ironiquement, si vous deviez chercher sur Google « les paramètres de proxy OS X », les meilleurs résultats seraient tous bloqués parce que vous auriez utilisé le mot « proxy », et que c’est un mot filtré.
« Sauriez-vous où sont les paramètres de proxy ? » lui ais-je demandé, plein d’espoir.
Je n’ai pas eu de réponse. J’aurais tout aussi bien pu lui demander « Pouvez-vous me dire comment réticuler des splines4 en utilisant un système de décodage hexagonal pour que je puisse construire une interface graphique en VisualBasic et suivre une adresse IP ? »
Il m’a fallu environ dix secondes pour trouver et remplir les paramètres de proxy. Je lui ai rendu son MacBook et elle a fermé puis rouvert Safari, au lieu de simplement rafraichir la page. « Merci. » Sa gratitude était immense.
J’étais sur le point de partir, quand elle m’a de nouveau arrêté. « PowerPoint ne marche pas. »
Cela ne justifiait probablement pas un appel au président des États-Unis. Je suis sûr qu’il a beaucoup d’intérêt pour les questions technologiques, mais la défaillance du principal outil de présentation au monde serait certainement un soulagement pour lui. Au moins, la NSA ne perdrait plus de diaporamas aussi mal conçus.
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