ndlr: Ceci est un article de L’AFUL (Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres). L’article est sous licence CC: BY-SA – Vous pouvez également lire l’article à la source > http://aful.org/communiques/amendement-432-propose-legaliser-racketiciels
Les racketiciels, logiciels dont l’achat de la licence est imposé lors d’un achat de matériel, nuisent à la liberté de choix du consommateur et entravent la libre concurrence sur les logiciels. Plus de détails.
Aujourd’hui, les députés français discuteront l’amendement 432 au projet de loi Protection des consommateurs. Cet amendement, qui concerne les racketiciels, va à l’encontre de l’intérêt des consommateurs. Il prévoit en effet d’insérer dans le Code de la Consommation un article stipulant que :
L’acheteur d’un ordinateur doté d’un logiciel préinstallé, et notamment le système d’exploitation, doit être clairement informé par le vendeur de la faculté ou non de renoncer, après achat, à la licence de ce logiciel, et, si cette faculté lui est offerte, des modalités et du montant du remboursement prévu par le fabricant.
Ordinateurs, smartphones, tablettes et autres : même combat !
Tout d’abord, ce texte adopte des formulations imprécises. Notamment, le terme d’ordinateur
fait l’objet de débats en jurisprudence. À l’heure où notamment les smartphones et les tablettes se répandent, et avec eux les racketiciels, il est malvenu de choisir un terme qui pourra être interprété comme excluant ces appareils. D’autant que le matériel est l’élément déterminant de la vente.
Ceci n’est pas une vente forcée
Aujourd’hui, lorsqu’un consommateur achète un ordinateur et que, ne voulant pas utiliser les logiciels, il réclame le prix de la licence d’utilisation, la justice lui donne raison.
Demain, l’amendement 432 va autoriser expressément les professionnels qui le souhaitent (faculté ou non de renoncer
) à informer les consommateurs qu’ils ne pourront pas renoncer aux logiciels après leur achat. Il aura ainsi pour effet nocif de valider, dans le cas qui nous occupe, le principe des ventes de produits sans commande préalable (ou ventes forcées), pourtant expressément interdites par le Code de la consommation. En somme, l’amendement 432 légalise la vente forcée des racketiciels ! S’il est adopté, les ordinateurs pourraient très bien être vendus avec une mention ainsi rédigée :
Conformément à la loi, ceci est un produit unique : après achat, vous ne pourrez pas refuser la licence logicielle.
Rappelons que les clauses 1 et 7.3 des conditions générales de vente de la société Dell, qui tentaient de faire passer l’ensemble matériel+logiciel pour un produit unique, ont été déclarées abusives, réputées non écrites, et ont été considérées par la justice (Vermel c. DELL, Toulouse, 20 mai 2011) comme l’expression d’une pratique commerciale déloyale et fautive ! Et cela, avec les textes existants !
Ceci est une modalité
Aujourd’hui, les procédures abusivement appelées de remboursement
mises en place par les fabricants, contre lesquelles l’AFUL se bat depuis des années, ont été sanctionnées en jurisprudence à maintes reprises. Rappelons quelques points.
- Faute pour le consommateur de connaître le prix de la licence logicielle avant la vente du matériel, il ne s’agit pas d’un remboursement.
- Ainsi, c’est en réalité une indemnisation forfaitaire, selon un barème contraire à la notion de remboursement au sens du code civil.
- Les
modalités
décidées unilatéralement par les professionnels sont en réalité des conditions du prétendu remboursement.
Pour mémoire, voici quelques modalités
, présentées par les constructeurs eux-mêmes comme des conditions
dans les procédures qu’ils fournissent :
- retour de la machine (pour certains constructeurs), alors même que cette exigence a été condamnée plusieurs fois par les tribunaux ;
- retour des éventuels supports d’installation (CDROM) ;
- retour d’un autocollant indétachable par conception, le COA.
Aujourd’hui, l’amendement 432 va valider expressément ces modalités
. Relisons la fin de l’amendement :
si cette faculté [de renoncer, après achat, à la licence du logiciel] lui est offerte, [le consommateur est informé] des modalités et du montant du remboursement prévu par le fabricant.
Le code de la consommation prévoit que lorsque le professionnel, au mépris de l’interdiction des ventes forcées, a extorqué au consommateur le prix de produits qu’il n’a pas demandés (qui peut ici représenter un tiers de celui de la machine), il ne peut imposer au consommateur aucune condition pour le remboursement des produits payés. Or, l’existence de modalités
décidées par les professionnels sera désormais explicitement évoquée dans la loi. Accepter qu’il puisse exister des modalités
prévues par le fabricant, c’est tuer l’interdiction des ventes forcées prohibées en plusieurs endroits du Code de la consommation.
Par ailleurs, à la lecture du passage ci-dessus, il est permis de comprendre que le consommateur sera informé, après son achat, des modalités et du montant. C’est donc un contournement des articles L. 132-1 et R. 132-1, notamment, qui stipulent que sont abusives les clauses non portées à la connaissance du consommateur avant son achat.
Mesdames et Messieurs les Ministres, faites simplement appliquer la loi !
En somme, l’amendement 432 aménage la manière de ne pas respecter les lois existantes ! Quelle piètre concrétisation des promesses d’Éric Besson et de son bilan du plan numérique 2012, vraiment, que ce cadeau empoisonné : sous prétexte de satisfaire aux exigences d’information de l’utilisateur rappelées sans cesse par les associations, le texte restreint sa liberté de choix.
Il va sans dire que l’AFUL appelle les députés à rejeter l’amendement 432 et demande à les rencontrer pour leur proposer des formulations conformes aux droits des consommateurs.
Rappelons une fois encore que les courageux consommateurs qui se résolvent à mener une action en justice (plus de 30 jugements, deux arrêts en Cour de Cassation) obtiennent généralement gain de cause. Ainsi, en l’état, la législation actuelle, tant européenne que française, est suffisante (plus de détails). En revanche, il reste au gouvernement à en prendre acte et à contraindre enfin les professionnels à découpler la vente du matériel et du logiciel.