** Article publié initialement sur le blog de Michel Lévy Provencal – Mikiane.com **
Quand j’ai commencé à utiliser Internet, fin des années 90, je n’imaginais pas que ce nouveau média changerait ma façon de penser. Je veux parler d’une modification drastique de ma structure mentale, des mécanismes de réflexion et de mon aptitude à créer… Ce que je dis ici est un constat personnel. Le résultat d’une réflexion établie sur mon expérience après de longues années de pratique intensive du Net et des environnements interactifs.
Lorsqu’à l’école on nous incitait à lire, l’un des objectifs visé était d’apprendre à se concentrer en faisant le vide dans son esprit et en se laissant absorber par un texte. Aujourd’hui notre cerveau est de en plus incité à travailler en mode parallèle. Au point que, et c’est une conclusion personnelle, l’activité cérébrale « mono tâche » nécessite un effort parfois douloureux. Ne nous êtes vous par surpris à peiner en essayant de vous concentrer sur la lecture d’un texte sans jeter un œil à vos emails, votre téléphone, ou consulter un site web ? Je sais ce que je dis peut faire peur. Peut-être suis-je psychologiquement malade ? Laissez-moi seulement terminer avant de conclure sur ma santé mentale… 🙂
Nous avons désormais pris l’habitude de bifurquer
En réalité ceux qui comme moi ont réappris à lire sur un écran trouvent très difficile cet état de solitude et de laisser-aller au fil d’un récit. Notre mode de pensée a changé avec le web. D’une pensée linéaire, qui se laisse guider au fil d’une histoire dictée par un auteur, nous avons désormais pris l’habitude de bifurquer (certains dirons zapper), suivre notre propre chemin, guidés par les choix de certains hyperliens. Et donc simultanément nous avons perdu en capacité de concentration : nous ne restons plus fixé sur une ligne droite, nous naviguons, explorons, sautons d’un texte à un autre, d’une image à un film, à un son, de la lecture à l’écriture aussi. Nous avons en fait développé un des symptômes les plus répandus chez les hyperactifs.
On peut penser que cette modification de nos capacités cérébrales est négative pour notre intelligence. En l’occurrence parce que nous n’entrons plus dans les profondeurs d’un texte et donc n’en retenons que l’écume vagabonde et éphémère, nous perdons en culture et richesse intellectuelle ! Et bien c’est exact. Oui, nous avons appris à nous contenter de lectures partielles et synthétiques. Personnellement, la dernière fois que j’ai lu la totalité d’un livre, dans son exhaustivité je veux dire, en me laissant emporter par l’histoire où la pensée de l’auteur, cela date de l’époque où le web n’existait pas !!!
Au bénéfice de la partie créative
Est-ce une mauvaise chose ? Je ne le pense pas. J’y trouve un avantage de taille. Depuis l’avènement du Web jamais je n’ai été autant en contact avec l’information. Jamais je n’ai réussi à autant « ingurgiter » de données. Jamais je n’ai lu, regardé, écouté autant de contenus. Pendant ces séances d’absorption d’informations, j’ai le sentiment que quelque part, dans une zone particulière de mon cerveau, inconsciente ou préconsciente, toutes ces données, ces idées s’accumulent. Même si j’ai souvent l’impression de « rater » des bribes de textes ou de perdre le fil j’ai appris à ne pas m’en soucier. Les idées sont stockées et elles rejaillissent toutes seules sans que je n’ai à faire d’effort. Ca paraît magique et ça l’est presque. Cette accumulation d’information, cette sédimentation alimente mes associations d’idées et ma créativité. Comme pour l’hypnose cette méthode d’acquisition inconsciente, hyperactive, superficielle, me permet d’enrichir la partie créative de mon cerveau. Je ne lis plus de livre comme à l’époque du lycée et aujourd’hui je butine un peu partout sans mémoire consciente de cette activité quotidienne. Aujourd’hui ce que j’attends le plus de mes lectures est de me donner des idées, d’enrichir ma capacité à résoudre des problèmes et à trouver des solutions… Et j’y trouve mon compte !
PS : Tous les matins en allant au boulot je n’ai plus la possibilité de lire. Je suis en moto. J’ai donc fait l’acquisition d’un casque connecté à mon iPhone et j’écoute régulièrement des podcasts (à bas volume, pour des raisons de sécurité). Récemment, j’ai découvert Audible.fr un site filiale d’Amazon qui propose une large offre de bouquins à écouter (et ce billet n’est pas un publi redactionnel !). J’avale de cette manière presque deux bouquins par semaine. Toujours la même idée, j’accumule ces infos en mode multitâche, et elles n’atteignent pas le même niveau de conscience que si je lisais un livre dans le métro par exemple. Pourtant j’ai vraiment le sentiment que quelque chose passe et ressort quand j’en ai le plus besoin. À bon entendeur…
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Billet initialement publié chez Mikiane sous le titre Comment le Web a changé mon cerveau !
Sources :
- Repris par Owni > http://owni.fr/2010/06/20/le-web-a-change-mon-cerveau-et-ce-nest-pas-grave
- Mikiane (billet original) > http://mikiane.com/node/2010/06/19/comment-le-web-a-chang-mon-cerveau
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